Dans une interview accordée aux Echos mercredi 10 février, Laurent Saint-Martin, le rapporteur général du Budget, s’est exprimé en faveur d’un allègement de la fiscalité des droits de donation pour inciter les Français à dépenser leur épargne.
nterrogé hier par les Echos sur les moyens de rediriger le surcroît d’épargne des Français en faveur de la relance, Laurent Saint-Martin, le rapporteur général du Budget à l’Assemblée nationale, s’est déclaré – comme Bruno Le Maire – opposé à l’idée d’une taxation de cette épargne.
Alors que Bercy planche sur les moyens d’inciter les contribuables à dépenser leur bas de laine accumulé pendant la crise, le député LREM « plaide pour davantage d’outils permettant aux Français d’investir dans les fonds propres des entreprises françaises, avec un risque maîtrisé et une performance plus importante que celle offerte par une assurance vie classique ».
Alléger les droits de donation
Se faisant l’écho d’une piste évoquée par le ministre de l’Economie il y a quelques jours, M. Saint-Martin est aussi « très favorable » à un allègement de la fiscalité des droits de donations pour favoriser la transmission de l’épargne entre générations.
Le député LREM propose à cette fin de dissocier les barèmes fiscaux des donations et des successions – actuellement identiques – « pour rendre les donations plus attractives ». Il prend à ce titre l’exemple de l’abattement supplémentaire de 100.000€ accordé provisoirement par Bercy (jusqu’au 31 juillet prochain) pour les dons d’argent aux descendants destinés à la construction d’une résidence principale, à des travaux de rénovation énergétique ou à la création-développement d’une PME.
Là où l’opposition plaide pour une contribution exceptionnelle des plus riches, le gouvernement et une partie de la majorité LREM considèrent que de nouvelles taxations auraient un effet contreproductif, entraînant les foyers à thésauriser davantage plutôt qu’à dépenser.
Faire circuler le trésor de guerre
Pour Bercy, le cap à donner doit inciter les ménages aisés à dépenser. Car le « trésor de guerre » accumulé par les contribuables pendant la crise – 100 milliards d’euros de plus qu’en 2019 – et dont une part importante repose sur les livrets réglementés et les comptes-courants, a été principalement constitué par les classes aisées : d’après le Conseil d’analyse économique, 70% de ce flux d’argent a ainsi émané des 20% des Français les plus riches, tandis que l’épargne des plus pauvres, elle, s’est au contraire amenuisée.
Objectif jeunes
Avec l’allègement fiscal des donations entre « vivants », le ministère de l’Economie choisirait une voie pragmatique : aller chercher la thésaurisation là où elle se trouve – chez les seniors aisés – pour mieux la faire circuler auprès des jeunes générations, premières victimes de la crise économique avec les femmes seules et les immigrés.
Les jeunes intéressent particulièrement le gouvernement : population la plus touchée par la crise, c’est aussi la plus disposée à consommer et à investir dans des produits plus rémunérateurs et plus risqués, que Bercy s’applique en parallèle à orienter vers le financement du tissu économique français – via la labellisation « Relance » des fonds d’investissement notamment.
La piste de la défiscalisation des donations est loin de faire l’unanimité, dans les rangs de l’Assemblée nationale bien sûr, ainsi que chez les économistes.
Pour Philippe Crevel, directeur du Cercle de L’Epargne, l’amélioration du régime des donations, via une augmentation de l’abattement à 150.000€ et un raccourcissement des délais, seraient des « propositions envisageables » susceptibles de mieux répartir le patrimoine des Français, dont la moitié se concentre chez les plus de 55 ans, défend-t-il dans une tribunepubliée le 3 mars dans les colonnes de L’Argent & Vous.
Un assouplissement réservé aux riches ?
D’autres, comme Intérêt Général, considèrent que le dispositif serait à la fois inefficace et socialement injuste. Le think tank argue que les abattements existants en matière de donation et succession sont déjà suffisamment élevés pour permettre aux classes moyennes de transmettre une très grande partie de leur épargne sans fiscalité.
Un assouplissement supplémentaire de la fiscalité des donations ne bénéficierait donc in fine qu’aux familles les plus aisées, souligne le collectif dans une note sur la fiscalité de l’héritage.
Ce que nie pas LREM d’ailleurs : « Ok, c’est pour les riches. Mais autant qu’ils donnent leur argent, plutôt que ça ne serve à personne. Il n’y a pas d’idéologie à mettre là-dedans », considère Eric Woerth, président (LR) de la commission des finances à l’Assemblée nationale, selon des propos rapportés par Le Monde.
Mais alors même que la crise sanitaire a continué de creuser l’écart entre les plus fortunés et les plus précaires, cette mesure contribuerait à accentuer les inégalités de patrimoine, objecte Intérêt Général.
L’état actuel de la fiscalité des transmissions est pour le moins généreux : il est aujourd’hui possible à chaque parent de transmettre 100.000€ à chacun de ses enfants, et 31.865€ à chacun de ses petits enfants tous les quinze ans sans payer d’impôt, auquel s’ajoute un abattement supplémentaire de 31.865€ par descendant pour les dons d’argent réalisés avant l’âge de 80 ans.
Or, « le patrimoine net médian des ménages est quant à lui de 117.000€, c’est-à-dire que la moitié de la population possède moins que ce montant », rappelle Intérêt Général.
Selon le think tank, trois quart des ménages français n’ont jamais reçu de donation, et plus de la moitié s’attend à jamais n’en recevoir, ni à percevoir un quelconque héritage.
Publié par Barbara Vacher |
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