Le bilan de la crise concernant le marché de l’assurance emprunteur est à ce jour mitigé. Si demain l’offre emprunteur risque de profondément se transformer, ce confinement a tout de même permis à de nombreux propriétaires de se délester de dépenses inutiles en prenant le temps d’analyser les lignes de leur crédit immobilier.

Couverture des dommages liés au Covid-19

Il y a eu de très nombreuses interrogations lors de la crise sanitaire concernant le rôle de l’assurance de prêt en cas de contamination par le covid19. Jusqu’à ce jour, ce virus est couvert comme toute autre maladie, c’est-à-dire que l’assurance de prêt se déclenche en cas de décès de l’emprunteur ou bien d’incapacité totale d’exercer son activité professionnelle à la suite de cette maladie.

De nombreux propriétaires se sont également demandés si la garantie perte d’emploi était efficace en cas de chômage ou chômage partiel : la réponse est non. A ce jour, la garantie perte d’emploi n’est souscrite que par 1% des emprunteurs, une broutille donc, d’autant que cette option coûte cher et est très peu rentable. Elle est destinée aux salariés en CDI, ne se déclenche qu’en cas de licenciement économique et impose des délais de carence et de franchise importants. En bref, la perte de revenus liée au chômage partiel ou bien liée à une perte totale d’activité n’est en aucun cas couverte par cette garantie. En bref, l’offre emprunteur en France n’a jamais prévu une telle situation.

Des emprunteurs à la recherche de pouvoir d’achat

Bien que le marché de l’immobilier se soit retrouvé quasiment à l’arrêt depuis le début de la crise sanitaire, le marché de l’assurance a été particulièrement actif et le confinement en est la principale raison. Les particuliers, pressés par l’envie de compenser la perte de salaire liée au chômage partiel, ont pris le temps de remettre le nez dans leurs différents contrats afin d’alléger leurs dépenses mensuelles. Alors, quelle est la dépense la plus importante chaque mois ? L’immobilier ! Le loyer pour certains (mais là, il y avait peu de marge de manœuvre…) et le crédit immobilier pour les autres.

En dehors des renégociations de taux d’emprunt, c’est sur l’assurance emprunteur que les propriétaires se sont largement concentrés. Une aubaine pour ce marché qui a pu continuer à se développer alors même que le marché de l’immobilier était en suspens. Les assureurs ont largement participé à cela puisque la plupart d’entre eux ont décidé d’alléger, voire de supprimer les formalités médicales obligatoires. Bercy a prolongé les délais de résiliation et les banques ont également joué le jeu en digitalisant toutes les démarches entre elles, le courtier et le client. C’est ainsi que chez Magnolia.fr, dès la première semaine du confinement, les demandes de changement d’assurance de prêt ont bondi de 35% et ont permis aux ménages de baisser leur mensualité de 50 à 150 euros en moyenne. Cela fait largement écho au sondage lancé en mai par la Fintech Meelo : 17% des personnes interrogées ne seraient plus en mesure de pouvoir rembourser la banque et 24,6% estiment que cela va être rapidement difficile. Espérons que pour beaucoup d’entre eux, le changement d’assurance de leur crédit immobilier peut être une réponse partielle ou totale à cette difficulté.

Après-Covid : une offre emprunteur différente, mais aussi plus adaptée

Les conséquences d’une telle crise sur les offres d’assurance peuvent être très nombreuses.

La vague de décès passée aura très certainement un impact sur les tarifs. Au-delà de la crise sanitaire, plane l’ombre d’une récession économique. Ses impacts pourraient être tout aussi importants sur le coût de l’assurance emprunteur. En effet, toute crise économique entraîne son lot de sinistres, notamment sur les risques incapacité et perte d’emploi. Ce n’est pas tout : l’offre emprunteur va également connaître des transformations importantes. Il est déjà possible qu’une question spécifique sur le Covid entre dans le questionnaire de santé et que le fait d’avoir été atteint puisse influer sur le tarif…

Profils à risques

De ce fait, certains profils d’emprunteurs seront particulièrement impactés. Tout d’abord les seniors, dont le coût d’assurance est déjà élevé, pourraient subir une augmentation importante. Pour ce type de profil, le poids de l’assurance, qui est à ce jour non négligeable, serait encore plus lourd au sein du crédit. Il y a également les personnes présentant des risques de comorbidité (diabète, obésité…) qui sont déjà exposées à des surprimes. Demain, le coût de ces garanties pourrait atteindre des sommets et aurait pour conséquence de les exclure totalement de l’accès au crédit. Le problème du taux d’usure dont la méthode de calcul est remise en question aujourd’hui, va devenir central pour toutes ces personnes.

Il y a aussi des questions à se poser concernant les personnes qui voyagent beaucoup pour le travail, et qui circuleront dans des pays encore touchés : là aussi, une surprime ou une exclusion de garantie territoriale est largement envisageable.

Hausse des tarifs

Enfin, si la garantie perte d’emploi a été tout à fait inutile pendant cette crise, elle a au moins suscité l’intérêt des emprunteurs qui ont eu beaucoup d’interrogations à ce sujet. Pourquoi maintenant ? Car pour la première fois en France, même les salariés cadres en CDI voient leur avenir incertain. Nul ne semble pouvoir être épargné face à la violence d’une crise sanitaire. Cela incitera-t-il demain les assureurs à faire évoluer les conditions d’indemnisation de cette garantie, quitte à revoir encore les tarifs à la hausse ?

Pour le marché de l’assurance emprunteur, il y aura bien un avant et un après Covid-19 et les réassureurs planchent déjà très activement sur le sujet. Cependant, la hausse des tarifs à venir et le calcul du taux d’usure auront pour conséquence d’exclure une partie des emprunteurs du crédit immobilier. Enfin, les établissements prêteurs beaucoup plus sélectifs quhier vont davantage faire pression auprès de celui qui souhaite emprunter afin qu’il couvre son crédit avec l’assurance groupe de la banque. Ainsi, le marché s’attend à ce que le changement d’assurance emprunteur soit une pratique beaucoup plus répandue à l’avenir tant il sera de moins en moins possible d’exercer son libre choix au moment de la souscription du crédit.

Astrid Cousin, porte-parole du courtier en assurance emprunteur magnolia.fr

Publié sur Boursier.com le 17/06/20