À la demande du gouvernement, l’inspection générale des affaires sociales (Igas) mène une réflexion sur la réserve héréditaire. Sa suppression conduirait à plus de liberté pour la transmission en dehors du cercle familial, mais réduirait fortement la protection des enfants.
Le droit civil français est très protecteur pour les enfants du défunt. À tel point qu’il est impossible de les déshériter. Leur protection est assurée par ce qu’on appelle la réserve héréditaire. Ce n’est pas toujours le cas à l’étranger. Les pays de droit anglosaxon ne reconnaissent pas le principe de réserve héréditaire.
Dans la succession de Johnny Hallyday, toute la question est de savoir si Johnny résidait à l’étranger. À défaut, la loi française s’appliquerait avec une protection obligatoire des enfants y compris ceux nés d’autres mères que sa dernière épouse.
La loi française prévoit en effet que les enfants du défunt ont droit à une part minimale de son patrimoine. Le Code civil prévoit que la fraction revenant à chacun dépend du nombre d’enfants du parent décédé. L’enfant unique doit recevoir au moins la moitié du patrimoine. Des droits de successionpeuvent être dus.
En présence de deux enfants, chacun doit recevoir au moins un tiers de l’héritage. Si le défunt a trois enfants ou plus, ils se partagent les trois-quarts du patrimoine. Tous les enfants sont sur le même pied d’égalité.
La succession est répartie entre les frères et sœurs par parts égales. Les notaires français sont d’ailleurs tenus lors du règlement de la succession de distinguer la quotité disponible de la réserve. Le notaire a aussi l’obligation de vérifier dans le fichier des dernières volontés si le défunt a laissé des dispositions particulières pour la répartition de son patrimoine à son décès.
Protéger tous les enfants
À l’origine, la réserve héréditaire visait à ouvrir l’héritage à tous les enfants en abolissant le fait que seul le fils aîné pouvait à l’époque hériter des biens de son parent. Rappelons que si le défunt n’a pas d’enfants, seul le conjoint a cette qualité d’héritier réservataire.
L’idée de réformer les successions est dans l’ère du temps. En 2017, l’organisme France Stratégie préconisait une révision de la fiscalité successorale pour tenir compte de l’évolution de la société française.
Le rapport prônait notamment un taux d’imposition sur l’ensemble du patrimoine reçu par chaque individu (actuellement le taux est déterminé par le lien de parenté) et des conditions favorables pour les transmissions aux jeunes générations.
Ce rapport portait sur la fiscalité. Il ne s’intéressait pas aux règles de répartition de l’héritage. En demandant à l’Igas de plancher sur la réserve héréditaire, le gouvernement s’intéresse de près aux règles de répartition du patrimoine familial.
Une suppression de la réserve héréditaire conduirait certes, à plus de liberté pour la transmission en dehors du cercle familial, mais réduirait fortement la protection des enfants qui pourraient par exemple pâtir, à la suite d’un divorce, de l’arrivée d’un beau-parent malveillant.
La fiscalité successorale n’est pas à négliger
Réformer la réserve héréditaire, sans réformer la fiscalité successorale, autoriserait à transmettre plus sans contestation de vos enfants, mais à quel prix ?
Rappelons que le taux d’imposition applicable lors d’une transmission dépend du degré de parenté. Le code général des impôts prévoit un taux de taxation de 60% à un non parent et un taux de 45% pour les neveux et nièces.
Une telle réforme permettrait surtout d’orienter les patrimoines vers certains organismes philanthropiques d’intérêt général qui bénéficient d’une exonération de droits sur la transmission.
La réserve héréditaire est-elle réellement un frein ?
Il est important de préciser que les personnes célibataires et sans enfants n’ont pas cette contrainte. Ils peuvent léguer par testament tout ou partie de leur patrimoine aux personnes souhaitées. La volonté du testateur peut alors être respectée, même si elle conduit à déshériter ses proches.
Seuls les couples mariés, avec ou sans enfants, peuvent regretter de ne pas faire ce qu’ils veulent de leur fortune.
Il ne faut pas oublier qu’en France il existe déjà des solutions pour avantager un enfant, ou transmettre en dehors de son cercle familial.
Tout d’abord vous disposez librement de la part non réservée appelée «quotité disponible». Moins vous avez d’enfants, plus la quotité disponible est élevée.
Au pire, vous êtes libre de laisser à qui vous le souhaitez jusqu’à un quart de votre patrimoine (si vous avez plus de trois enfants). L’assurance vieest une autre solution intéressante qui profite, en plus, d’une fiscalité avantageuse.